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Le rapport d'intégrité

Lucidiot Productivité 2019-07-24
Une méthodologie pour mieux définir ce qu'on est, ce qu'on veut être, et comment le devenir.


Mon précédent article avait été écrit durant la phase où je n'avais plus internet. J'ai donc eu le temps d'explorer un peu la fameuse question de mon identité. Tout avait donc commencé par une nouvelle recherche Google étrange : « how to know who I am ». À ma surprise, j'ai trouvé énormément de résultats possibles ; j'ai encore maintenant pas mal de pages marquées comme « À lire » dans mes marque-pages. Je suis tombé durant mes recherches sur le blog de James Clear.

James Clear a fondé la Habits Academy, où il offre des formations à des entreprises de la Fortune 500 ainsi qu'à des particuliers pour apprendre à utiliser les habitudes, les routines quotidiennes pour accomplir de grands objectifs. Ses articles de blog ont la particularité de contenir un grand nombre de références à des publications scientifiques de psychologie, tellement qu'ils pourraient presque devenir des articles Wikipédia. Il a compilé et étendu ses articles dans son livre Atomic Habits (en anglais), que je recommande.

Je me suis donc perdu cette après-midi là à lire une bonne trentaine d'articles de son blog, à noter des citations, des méthodes à tester, etc. Ça ne sera ni la première ni la dernière fois que je passe des heures à lire des blogs sur la productivité et la motivation ; j'en reparlerai dans un autre article. Je voulais aujourd'hui aborder un concept que James Clear semble avoir introduit, les rapports d'intégrité.

Le rapport d'intégrité se base sur la réponse à 3 questions :

  1. Quelles sont les valeurs qui dirigent ma vie ?
  2. Comment vis-je actuellement avec intégrité ?
  3. Comment puis-je hausser la barre et vivre avec plus d'intégrité à l'avenir ?

Quelles sont les valeurs qui dirigent ma vie ?

Cette première question introduit un concept essentiel du rapport, la notion de valeurs. Dans certaines entreprises, on définit des « valeurs », décrites en anglais comme des « core values. » Les valeurs sont des concepts tels que le respect, la compassion, la détermination, la sécurité, etc., des notions finalement assez vagues mais qu'on peut donc adapter à sa situation. Des entreprises qui auraient pour valeur la communauté ou la contribution vont par exemple faire des dons à des œuvres caritatives ou financer des projets locaux.

Clamer haut et fort ses valeurs, et les respecter, va améliorer la confiance des partenaires, puisque l'entreprise fait preuve d'intégrité. Diriger une entreprise selon une liste de valeurs est aussi un garde-fous qui évite de s'éloigner de ses propres croyances, besoins, de sa propre vision. Les valeurs sont un concept souvent abordé dans les cours de management et il existe beaucoup de listes de core values ; James Clear en propose une assez courte mais on peut trouver des sites dédiés avec des centaines d'autres.

L'idée du rapport d'intégrité est en fait d'appliquer ces valeurs « d'entreprise » sur un plan personnel, en dirigeant sa vie comme une entreprise, en devant en quelque sorte le patron de sa propre vie. Je reviendrai sur l'idée de voir sa vie comme un business plus tard dans un autre article.

La première étape du rapport d'intégrité est donc de définir ses valeurs. La méthode la plus courante est de lire chaque valeur de ces listes, et si une valeur inspire quelque chose en nous, on la note. On peut se retrouver ainsi avec plusieurs dizaines de valeurs, et c'est normal. On va ensuite faire plusieurs passes sur cette liste, pour éliminer progressivement des valeurs jusqu'à ce qu'on ne retienne que ce qui nous est vraiment le plus cher ; pas plus de cinq valeurs. On obtient alors ce qui compte le plus pour nous.

Il ne faut pas se dire en établissant cette liste qu'elle est définitive ; nous changeons chaque jour et il est important de régulièrement repasser sur cette liste et se demander si cela correspond toujours à ce que nous sommes. James Clear effectue son rapport de façon annuelle et réévalue donc chaque année ses valeurs ; à vous de définir le rythme qui vous convient.

Notons que lorsque vous établissez cette liste, il ne faut pas essayer de penser à ce qu'on veut être mais à ce qu'on est. Ne pas avoir une vision trop négative de soi. Si vous souhaitez réellement changer, essayez d'établir une seconde liste, avec ce que vous voulez être, et modifiez très légèrement, sur plusieurs mois voire années, votre rapport d'intégrité pour que vous puissiez vous rapprocher de ce que vous voulez être. N'établissez pas non plus ce que vous voulez être par rapport à des normes sociales mais seulement par rapport à ce que vous voulez, vous. Essayer de vivre uniquement dans le respect de son Mammouth de Survie Sociale, sans être vraiment soi, va seulement nous faire vivre dans une éternelle frustration.

Une fois que vous avez obtenus vos valeurs, vous pouvez écrire une ou plusieurs questions qui y sont liées. Ces questions doivent être un moyen de vérifier rapidement si vous respectez ou non une de vos valeurs. Voici un exemple :

Compassion : Suis-je à l'écoute des autres ? Me mets-je à la place des autres ?

James Clear a choisi d'adopter une structure un peu plus complexe, où il crée 3 à 5 groupes de valeurs ; par exemple « Contribution : Community, Reliability, Responsibility », puis ajoute une question pour chacune de ces sous-valeurs. Ça peut être utile si des valeurs sont relativement proches mais qu'elles ont en même temps leurs spécificités, par exemple Learning et Knowledge ; la première est l'acquisition de connaissances tandis que la seconde peut être interprétée comme étant l'utilisation de ces connaissances. L'interprétation d'une valeur est toujours libre ; les questions associées servent à montrer l'interprétation qu'on a choisi.

Une fois qu'on a donc nos valeurs et nos questions associées, on peut passer à l'étape suivante.

Comment vis-je actuellement avec intégrité ?

Répondre à cette question, c'est répondre à toutes les questions qu'on a défini par rapport à nous valeurs. C'est lister les actions, les modes de vie, les projets qui rentrent dans la vision de ce qu'on est.

La structure est cette fois beaucoup plus libre ; quelques paragraphes expliquant ce qu'on fait suffisent. On peut choisir de répondre vraiment à chaque question une par une, mais on risque de se répéter puisque une action peut atteindre plusieurs valeurs ; par exemple, du bénévolat où on se met à l'écoute de personnes âgées répond entre autres à Compassion et Contribution.

Il faut bien faire attention à lister ce qu'on fait déjà, pas ce qu'on veut ou peut faire actuellement. C'est le sujet de la question suivante.

Comment puis-je hausser la barre et vivre avec plus d'intégrité à l'avenir ?

Maintenant qu'on a le fait point, on définit la marche à suivre pour la suite. Généralement, on va écrire ces paragraphes « en réponse » à ce qui est écrit à la question précédente, c'est-à-dire si on se met par exemple à apprendre de nouvelles choses pour sa valeur Learning, on peut envisager de mettre à profit ces compétences pour répondre à une autre compétence telle que Contribution. On peut aussi juste se reposer à nouveau toutes les questions et réfléchir à tout ce qu'on peut faire.

Contrairement aux règles souvent rencontrées dans les définitions d'objectifs, telles que SMART, on va ici rester relativement vague : on ne définit pas des objectifs chiffrés mais des lignes directrices ; « Faire des économies » et pas « ajouter 10000 euros dans le compte épargne cette année ». Travailler pour son intégrité est censé être une activité continue, on ne peut pas simplement se fixer des limites arbitraires et se dire « Ça y est, je suis intègre. »

On peut après la rédaction du rapport commencer à définir une série d'objectifs chiffrés, des milestones, et en les atteignant successivement, on peut commencer à définir une habitude, une tendance, une part de soi, de son identité.

Intégration

Le rapport d'intégrité s'intègre bien — c'est le cas de le dire — dans mon capharnaüm de carnets et d'applications que j'utilise quotidiennement. Pour le préparer et rechercher mes valeurs, alors que la majorité des articles traitant des valeurs personnelles vont mentionner de simplement lire une liste et procéder par élimination, je me suis mis à écrire des paragraphes dans mon journal intime sur une soixantaine de valeurs, pour vraiment y réfléchir. Ça a pris plusieurs jours, mais j'ai maintenant une fondation vraiment solide pour justifier mon rapport.

Pour le mettre en pratique, après avoir utilisé environ un Field Notes et demi en journal intime, j'ai écrit la liste de questions dans une collection de mon Bullet Journal, gardant ainsi le rapport à portée de main dans un carnet que je consulte au moins une fois par jour. Je vais me poser ces nouvelles questions tout en faisant mon inventaire mental tous les quelques mois, ce qui me permettra de commencer à me débarasser de projets qui ne vont pas dans la direction qui m'intéresse, et de définir de nouveaux objectifs, de nouvelles habitudes, pour aller dans la bonne direction.

Je reviendrai plus en détail, dans le dernier article de cette « trilogie » sur l'identité, sur le contenu de mon premier rapport d'intégrité et ce que je compte faire par la suite.


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