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Ma crainte de la multitude

Lord Vlad Réflexions 2020-02-06
Trop à créer, pas assez à lire.


Nous sommes combien maintenant sur terre ? Trop, c'est certain. Rien à voir avec l'écologie, la nourriture, le territoire, je trouve juste que passé le milliard, on a le temps de voir venir l'extinction de loin, on aurait dû arrêter d'autant se reproduire. On peut parler pendant des heures de l'utopie des souris et d'autres expériences, mais ce qui m'importe pour l'instant est plutôt d'ordre culturel.

Franchement, nous sommes des milliards à pouvoir nous asseoir et saisir un stylo et une feuille, et mettre nos pensées par écris. Combien de magazines, combien de journaux, combien de blogs paraissent chaque jour. Avec internet, la culture devient de plus en plus globale et accessible. Alors dites moi simplement, si demain j'avais une révélation, et j'écrivais un article aussi universellement vrai et essentiel que le discours de Martin Luther King, combien de gens le liraient ? Et si je le publiais non sur ce site, mais que je l'intégrais dans le texte d'un roman ? Si j'en faisais une vidéo sur YouTube ?

Ce qui m'inquiète vraiment ce n'est pas que l'on manque ce que j'écris. Vous qui vous me lisez vous trouverez logiquement que ce n'est en effet rien de rare. C'est que moi, je manque la fiction ou l'idée qui aurait changé ma vie. Il suffit que M. Génie qui a cette idée, aie eu la mauvaise, d'idée, d'en faire un simple livre, qui se perdra dans le déluge des publications de chaque saison littéraire, ou qu'il en fasse une vidéo, mais s'arrange pour qu'elle passe à la télévision, que je hais.

Je crains la multitude car un seul homme ne saurait en faire le tour. En supposant qu'une telle idée existe, il est même assez peu probable que l'on soit nés le même siècle et parlions la même langue. Et si elle était dans la conversation épistolaire, jamais traduite, d'un noble russe à un autre ? Dans un livre d'un philosophe français, mais oublié au profit d'une fraude comme Voltaire, dont il n'existe plus la moindre copie ? Si c'était dans un dessin animé ou une bande dessinée dont le dessin est horrible et que je ne lirai probablement pas même si je le tombais dessus ?

Bien sûr tout n'est pas sans espoir. J'ai pensé à quelques mesures et considérations qui peuvent aider à ne pas passer à côté des œuvres avec lesquelles je pourrais résonner.

Premièrement, les classiques sont généralement des classiques pour de bonnes raisons. Bien que je ne puisse pas forcément les comparer à beaucoup de leurs contemporains, la plupart ont des qualités indéniables et il est clair que des œuvres renommées ont grandement contribué à ma maturité mentale. Les bonnes idées restent la plupart du temps.

Deuxièmement, je consomme beaucoup de média. J'utilise le mot au sens le plus large. Finalement, qu'on regarde une série, écoute de la musique ou lise un livre, ce qui compte dans cette recherche c'est de passer en revue beaucoup de contenu. Je n'exclus pas de repasser par la même œuvre si c'est pour mieux la comprendre et en tirer plus de sagesse. Mais au contraire, malgré ma recherche il suffit parfois d'une poignée de secondes pour voir qu'une œuvre ne m'apportera rien. Je ne rechigne jamais à laisser tomber une œuvre au milieu. Le temps et l'attention sont les deux ressources les plus précieuses à l'ère digitale. L'argent n'est plus précieux que dans son rapport au temps, à mon sens.

Troisièmement, je ne me fie pas à la masse, ou du moins pas vraiment. En effet, les favoris d'aujourd'hui seront probablement les classiques de demain, mais si la musique pop a pu montrer quelque chose, c'est que les modes et les artistes sont vite oubliés. Je me méfie de ce qui est trop populaire et il faut souvent qu'on me vante un point fort d'une œuvre populaire avant que je la commence, si on a su capturer mon intérêt. Qui plus est, la majorité a une tendance prononcée à aimer toujours la même histoire, avec de légères variantes. C'est l'idée même du blockbuster.

Dans la même veine, ce qui est très impopulaire l'est rarement à tort. Les mauvaises copies des modes passagères, par exemple. Soit c'est pauvrement pensé, soit c'est une pure copie, soit ce n'est pas bien exécuté artistiquement parlant. Ou une combinaison des trois.

Franchement, je cherche une aiguille dans une botte de foin et sans même me servir d'un aimant. Je fouille les œuvres soit complètement au hasard, soit en n'excluant que ce qui est très populaire et très impopulaire. Je ne sais même pas vraiment ce que je cherche, seulement que je suis le seul à pouvoir le savoir, mais quand je serai devant, je saurai immédiatement que c'est ce qu'il me manquait.

Au fait, j'en ai déjà trouvé.


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