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Les simulateurs allemands

Lucidiot Réflexions 2014-12-30
Mais pourquoi personne ne comprend l'intérêt des jeux de simulation allemands ?


Après l'acquisition d'un PC pour Noël suffisamment puissant pour jouer correctement à la quasitotalité des jeux actuels, j'ai pu tester en toute tranquilité Euro Truck Simulator 2. Ayant déjà testé auparavant une bonne dizaine de simulateurs que beaucoup qualifieront de simulateurs allemands, une expression ne décrivant plus seulement les jeux de simulation venus d'Allemagne mais tous les jeux de simulation d'activités diverses et peu courantes dans le monde du jeu vidéo, je pus après un peu de réflexion expliquer pourquoi peu de personnes apprécient correctement ces simulateurs et pourquoi Euro Truck Simulator 2 ou la série Microsoft Flight Simulator sont de grands succès commerciaux.

Structure d'un jeu de simulation

Il ne faut tout d'abord pas confondre simulateur et jeu de simulation. Oui, il y a une différence : le jeu de simulation est un jeu, pas le simulateur.
Néanmoins, la quasitotalité des simulateurs allemands peu connus se veulent être des jeux de simulation alors qu'ils ne sont en fait que de pauvres simulateurs. Je vais m'expliquer, ne vous en faites pas.
La réalisation d'un jeu de simulation est décomposable en deux parties : la simulation et le gameplay. Dans un simulateur, il n'y a que la simulation. Le problème de la majorité de ces jeux qu'on qualifie de simulateurs allemands réside dans la manière de concevoir le jeu : les studios de développement se concentrent trop sur la simulation et presque pas sur le gameplay.

Des jeux de simulation sans jeu

Un bon jeu de simulation se doit bien sûr de simuler correctement, c'est logique, mais ce n'est un jeu que s'il divertit le joueur. Un jeu tel qu'OMSI (simulateur de bus extrêmement réaliste dont le deuxième opus est disponible sur Steam) est excellent en termes de simulation, beaucoup de passionnés de transport en commun s'en servent pour s'entraîner en quelque sorte afin de conduire plus tard des bus. Le problème est qu'il est très peu accessible et peu divertissant : Des tutoriaux arrivent enfin sur la version 2 disponible sur Steam, et heureusement, car la simulation très performante oblige le joueur à savoir utiliser presque chacune des touches du clavier correctement. Pour allumer le bus et prendre son service, il vous faut allumer l'électricité (touche E par défaut), les phares (L), les trois à quatre jeux d'éclairages intérieurs (5 6 7 8 sur la version 1 et 6 7 8 9 sur la version 2, pas sur le pavé numérique), configurer correctement le système IBIS (système d'aide à l'exploitation et à l'information voyageurs dans les bus par défaut d'OMSI, Ctrl + la quasi-totalité du pavé numérique pour commander tous les boutons) en ayant connaissance des codes ligne / route / girouette, se mettre au point mort si ce n'est pas fait (N), allumer le moteur (rester appuyé sur ,), desserrer le frein à main (:), passer en marche avant (D), et on peut enfin avancer en utilisant le pavé numérique pour la direction, les portes et les clignotants. Dans la version 1 d'OMSI que j'ai eu sans un seul manuel, j'ai appris toutes ces commandes tout seul.
Comme vous pouvez donc le constater, OMSI est un jeu certes aux objectifs faciles (conduire un bus) mais dont le niveau de simulation est trop élevé en comparaison à celui du gameplay ce qui le rend très peu accessible au grand public. Sa sortie sur Steam n'a permis qu'un accès facilité pour la maigre communauté des passionnés de transport en commun et d'autres suicidaires à ce jeu, pas une ouverture à un public plus large.

Un autre jeu auquel j'ai joué en 2007, Bus Driver Simulator, plus tard renommé Bus Driver, est un jeu développé par SCS Software, la même boîte qui a réalisé Euro Truck Simulator 2, où là aussi on conduit un bus. La différence ? Le niveau de simulation correspond parfaitement à celui du gameplay. Le jeu est très accessible, les contrôles faciles à appréhender, et de très maigres performances matérielles sont requises pour y jouer. Ce jeu est le seul de SCS Software que j'ai pu rencontrer dans le commerce. J'avais lorsque j'y jouais environ 10 ans, et j'y arrivais très bien. La simulation était très loin du réalisme de OMSI mais c'était un jeu et non plus un simulateur. Là, on a réellement affaire à un jeu de simulation.

Le succès d'Euro Truck Simulator 2

S'il y a un 2 à la fin de Euro Truck Simulator 2, ce n'est pas pour rien. Le premier opus a bel et bien existé et a apparemment été vendu ailleurs que sur Internet en France et ailleurs en Europe. J'ai été invité par un ami à y jouer il y a un ou deux ans peut-être. Euro Truck Simulator vous permet de vous promener en camion en Europe de l'Ouest. En le décomposant comme tout à l'heure, on voit là aussi une simulation pas mauvaise et un gameplay vite lassant, peu réaliste et peu intéressant. Au début du jeu, on se retrouve tout de suite avec son propre camion, qu'on vient d'acheter parmi les "classes C" disponibles chez le concessionnaire. Ledit concessionnaire se trouve dans la capitale du pays de départ que l'on a choisi, et il n'y en a que dans les capitales. On peut alors se promener n'importe où, mais seulement dans son propre pays (ou également dans un pays frontalier si on a choisi un pays ne comprenant qu'une seule ville). Pour franchir une autre frontière, il faut acheter pour 30 000 € l'accès au pays. L'espace Schengen existe pourtant depuis bien plus longtemps que ce jeu. Pour gagner de l'argent, allez à n'importe quel entrepôt d'une ville, choisissez un type de marchandise qui vous intéresse ou une ville de destination (il y a toujours des missions pour presque toutes les villes dans tous les entrepôts), choisissez l'une des missions, prenez la remorque et débrouillez-vous avec un HUD de mini-carte mal fait sans itinéraire indiqué pour transporter la remorque jusqu'à destination, sans limite de temps imparti. Les certificats ADR pour le transport de matières dangereuses ne sont qu'au nombre de trois, et il faut 20 000 à 30 000 € pour les passer. Les seules règles du code de la route à respecter sont :

Vous pouvez dépasser sans clignotants par la droite, rouler sur les trottoirs, sur la bande d'arrêt d'urgence, laisser votre remorque en travers de la route, etc. Les infractions ne sont payées que lorsque vous terminez une mission, juste après avoir reçu l'argent de celle-ci, vous aurez si vous avez commis des infractions un relevé vous indiquant le montant perdu. Mais vous me ferez remarquer qu'une partie des problèmes n'ont pas été corrigés dans la version 2, qui corrige le problème d'ETS : Le gameplay.

Dans ETS 2, les problèmes de code de la route pas très réaliste ne sont pas corrigés (c'est d'ailleurs mieux comme ça), mais le gameplay est très largement amélioré :

Je pourrais encore au moins doubler la taille de la liste. Le jeu est alors devenu à la fois un bon simulateur et un bon jeu. Il avait toutes les qualités pour réussir. Sa sortie sur Steam a amplifié cette réussite assurée, surtout lorsque des YouTubers s'y intéressent ensuite. C'est pourquoi Euro Truck Simulator 2 a eu un succès bien plus grand que son prédécesseur.

Autre cas possible : Flight Simulator

Le cas de la série Microsoft Flight Simulator est différent : Le gameplay est, d'après ce que je sais de ces jeux (ne les ayant pas testé), peu présent : on peut faire à peu près toutes les missions que l'on veut comme sur OMSI. Mais cette fois, les jeux sont d'excellents simulateurs, la série existe depuis fort longtemps, et l'éditeur a une grande renommée. Le plus gros point fort, c'est que ce simulateur est un simulateur d'avion : L'aviation, comme les camions et dans une moindre mesure le rail, est bien plus représentée en terme de passionnés que le sont les transports en commun. Les pilotes de ligne savent parfaitement que des passionnés existent, comme les camionneurs ou les conducteurs de trains. Mais les conducteurs de bus ou de tramways connaissent moins ces sujets et n'apprécient pas trop les passionnés de transports en commun qui sont pourtant largement plus respectueux de ceux-ci que toute autre personne.

Ces arguments expliquent très bien la grande réussite de la série. On peut aussi parler d'une sorte de petit frère de cette série, le jeu Microsoft Train Simulator (MSTS), compatible avec Windows 98. Il a fallu attendre plus d'une dizaine d'années pour que Microsoft en fasse une suite, mais les passionnés de trains connaissent très bien ce jeu. Il est l'un des premiers simulateurs ferroviaires accessibles au grand public, et est qualifiable de jeu puisqu'il est à la fois possible de conduire librement les trains que l'on veut sur les lignes que l'on veut et de réaliser des missions. Là aussi, le réalisme est assez fort. MSTS a inspiré beaucoup de simulateurs indépendants et open-source (comme OpenRails, un récent simulateur intégralement compatible avec les lignes et véhicules de MSTS) mais aussi des jeux de simulation assez connus comme la série Trainz de Auran, ou encore Railworks. Là aussi, on peut dire que MSTS est un franc succès.

Message aux studios de jeux de simulation

C'est bien beau de réaliser des simulations très réalistes de tout et n'importe quoi, que ce soit des camions poubelles, de l'agriculture, des travaux routiers, des démolitions, du transport de colis, du creusage de tunnels, de la conduite de bus, de tramways, de trains, d'avions, de voitures, de camions, de bateaux, de sous-marins, de vélos, de vaisseaux spatiaux, de tout ce qu'on veut, mais vous oubliez l'essentiel : Vous créez des jeux, pas des simulateurs. Rendez-les intéressants pour tout le monde, rendez-les jouables longtemps et pas seulement quelques minutes, ajoutez plusieurs activités possibles, bref rendez le jeu intéressant. La simulation est un excellent moyen de découvrir des choses qu'on ne voit pas de la même manière dans la réalité ou dont on ne prête aucune attention, mais il faut la rendre accessible à tous.


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