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Vacances, chapitre 7

Lucidiot Écrits 2018-03-18
Dernier chapitre de cette première partie de mon histoire - la suite s'effectuera sous un nouveau nom.


Samedi vingt-quatre décembre deux mille dix-sept, vingt-trois heures et quatre minutes, heure de Paris, intervalle inconnu. Ma montre m'indique que le retour vers le passé semble-t-il bugué se déclenche systèmatiquement pour atteindre cinquante-et-une minutes dans le passé, et qu'il y a donc un déclenchement d'origine extérieure effectué toutes les cent deux minutes.

Dehors, à quelques pas de notre hôtel et alors que nous nous dirigeons vers l'usine pour l'explorer, je m'arrête, et invite tout le monde à faire demi-tour et à rentrer. Nous remontons donc dans notre chambre, reposons nos affaires, et je commence à recevoir des notifications de quelques utilisateurs sur Mastodon, avec qui j'avais discuté des flashs et qui ont constaté l'étrange horaire de ce dernier flash.

J'explique enfin à Rémi ce que nous avons fait, et nous ouvrons donc sur nos ordinateurs des terminaux pour effectuer des connexions SSH sur le supercalculateur, en utilisant la paire de clés stockée sur ma clé USB. Nous remarquons que c'est une version de GNU/Linux de base, pas une quelconque distribution, qui est exécutée ; ce qui me fait plutôt rire quand on voit les capacités de ce supercalculateur en comparaison avec n'importe quel serveur (ou même n'importe quel autre supercalculateur) dans le monde exécutant une distribution spécifique et que les libristes se font la guerre incessamment sur les meilleurs distributions à utiliser.

Nous nous amusons ensuite à farfouiller, dans une vaine tentative de trouver quelque chose qui pourrait être d'intérêt pour stopper ces retours vers le passé automatiques, et j'eus l'idée de désactiver le programme de retour vers le passé en le rendant non exécutable, avec une manipulation assez basique. Avec un accès en tant que super-utilisateur de la machine, rien de plus simple.

Par simple précaution, Valou part à la recherche du périphérique utilisé pour réceptionner les paquets par radio, et croise en même temps le périphérique correspondant au pupitre de commandes. Je me charge de le déconnecter, afin de nous assurer d'une manière simple et efficace qu'il ne soit plus possible d'intervenir autrement qu'à l'aide de notre clé SSH. Nous avons donc officiellement pris le contrôle du Supercalculateur.

S'ensuit un débat, un des plus étonnants débats que j'ai pu avoir, et surtout un débat que je n'aurais jamais pu imaginer avoir ; doit-on ou non détruire définitivement le Supercalculateur ?

J'étais plutôt contre ; on a largement les capacités de le nettoyer de toute trace de XANA ou d'autres outils malveillants, et il deviendrait possible d'exploiter toutes ses capacités pour faire du bien au monde, et pourquoi pas faire de nous des quasi-héros, ce que les Lyokoguerries n'ont jamais été mais que l'anonymat ou le pseudonymat peuvent nous offrir en sécurité en surtout ce qui est une opportunité offerte par l'arrêt des flashs.

L'arrêt des flashs. Les flashs, ou retours vers le passé défaillants, ont causé de graves dégâts, qu'ils soient physiques ou psychologiques, à une grande partie de la population. Ne devrions-nous pas tout d'abord nosu concentrer sur les réparations, à l'aide de cette machine à remonter le temps quantique ? Le tout premier flash a eu lieu il y a trente-deux heures, et les retours vers le passé ont une durée maximum estimée à quarante-huit heures, donc c'est encore jouable.

Le débat s'arrête donc aussi vite qu'il est arrivé, et nous nous concentrons à essayer de comprendre comment fonctionne le retour vers le passé et comment nous pouvons jouer avec comme nous en avons envie. Si Ulrich a bien réussi à le faire tout seul pour gagner au loto dans le dessin animé, pourquoi pas nous ? Cela me donne une idée, et je prends discrètement le temps de noter les numéros gagnats du loto de vendredi.

Nous constatons finalement que déclencher un retour vers le passé est aussi simple que d'écrire une commande, en indiquant comme arguments de commande le nombre de secondes souhaitées. La page de manuel indique également les besoins en énergie et le délai entre deux retours consécutifs : autant que le nombre de secondes du dernier retour.

Ce que cela signifie, c'est que nous ne pouvons pas déclencher notre super-retour avant vingt-trois heures cinquante-cinq, le moment où nous avons déclenché un flash. Nous avons d'après les logs du code Scipio pu constater que c'est un déclenchement mal paramétré qui a causé ces flashs sans effacement de mémoire ; nous pouvons donc réaprer les dégâts psychologiques, mais pas ceux physiques.

Il ne nous reste plus qu'à attendre. On lance donc une commande qui attendra durant le délai nécessaire et qui lancera le processus, et afin de respecter la tradition, nous nous exclamons en chœur « Retour vers le passé ! » avant d'appuyer tous les trois sur la touche Entrée.

Maintenant que nous disposons à nouveau de temps et d'énergie à perdre, nous reprenons notre petit débat. Nous finirons par bouder chacun dans notre coin après une vingtaine de minutes, campant chacun sur nos positions. Vers vingt-trois heures quarante, j'aperçois cependant les deux agents en smoking et lunettes de soleil, les mêmes que ceux qui ont essayé de nous attraper, par la fenêtre, en train de courir vers notre hôtel.

Je réveille les deux autres grogneurs pour leur avertir de cette présence peu souhaitable, nous fermons immédiatement nos connexions au Supercalculateur, verrouillons nos PC, et les prenons avec nous sous le bras, en descendant les escaliers vers la réception de l'hôtel.

Nous sortons en courant par la porte arrière, conduisant au petit jardin de l'hôtel où on peut y manger le petit déjeuner, sous le regard étonné de la réceptionniste. Nous utilisons une des chaises pour nous aider à escalader le grillage qui nous sépare du jardin d'en face, et rentrons dans la maison d'une vieille dame apparemment d'origine asiatique puisqu'elle se met à nous crier ce que je suppose être des jurons dans sa langue.

La porte de devant est fermée, mais la clef est dans la serrure ; nous sortons donc sur une rue parallèle à celle de l'hôtel, et nous nous mettons à courir vers la station de métro la plus proche ; des « agents secrets » auront beaucoup plus de mal à agir dans le secret au milieu d'une foule, en espérant qu'il y ait encore une foule dans le métro à cette heure.

Je ne sais pas comment, avec ma légendaire maladresse, je n'ai toujours pas réussi à faire tomber mon ThinkPad ; peut-être est-ce que parce que j'y tiens trop. Bref, nous arrivons enfin à la station de métro, et descendons les escaliers aussi vite que possible. Mon expérience sur l'optimisation des transports en commun va nous être utile. Je m'arrête et laisse passer mes deux potentiels camarades de prison pour qu'ils puissent prendre les tickets de métro dans ma main tendue, et franchis ensuite moi aussi les tourniquets.

Nous voilà à bord d'un métro de la ligne 9. Nous avons eu de la chance d'en avoir un presque immédiatement ; cela évitera de nous ralentir. Je remercie encore les dieux de la RATP qui nous fournissent le réseau mobile à l'intérieur du métro quand j'active le mode de point d'accès de mon téléphone pour réactiver la connexion SSH sur mon ordinateur et constater que notre retour vers le passé n'a pas été affecté. Il ne reste plus maintenant qu'à décider de où aller à présent.

Assis sur des sièges en face-à-face, nous nous sommes donc mis à tenter de préparer un plan pour nous sortir de ce pétrin. Nous avons considéré que puisque nous n'avons plus besoin d'un accès physique au Supercalculateur, car nous pourrions nous contenter d'une surveillance à distance, nous n'avons plus besoin de notre chambre d'hôtel et pourrions même agir depuis chez nous. Par conséquent, après le retour vers le passé, nous ne retournerons pas à Paris.

Reste à savoir ce que nous ferons donc maintenant, jusqu'à vingt-trois heures cinquante-cinq, pour éviter de nous faire attraper. Nous ferions mieux de rester dans le métro et d'essayer de rendre notre itinéraire moins prévisible ; plus on fait de correspondances, moins il y a de chances qu'on nous retrouve, surtout à des stations où il est possible de correspondre avec plusieurs lignes. Le RER est à exclure, parce qu'il n'a pas assez de fréquence, et le tramway risquerait de nous rendre visibles, donc nous devons rester dans le métro, et si possible pas aérien.

J'ai fait le choix de nous arrêter à Trocadéro, pour prendre la ligne 6 vers Nation. Nous n'avons en fait pas besoin de réfléchir plus loin ; il ne reste que quelques minutes avant le flash et je serai déjà étonné que nous arrivions à Trocadéro avant le retour vers le passé. Et comme je m'y attendais, le retour vers le passé s'est déclenché, ce samedi vingt-qautre décembre deux mille dix-sept, à vingt-trois heures cinquante-cinq, heure de Paris.


Vendredi vingt-trois décembre deux mille dix-sept, seize heures et cinquante-deux minutes, heure de Paris. Je suis à la gare de Lille Flandres, en plein jour, près du quai des voies 3 et 4, lors de l'annonce de mon train de dix-sept heures deux à destination de Rouen-Rive-Droite, après être sorti en avance d'un examen de programmation orientée objet brillamment réussi.

Alors que nous allions tous nous élancer pour obtenir un siège dans le train, si possible en utilisant nos bagages sur le siège voisin pour tenter d'empêcher quelqu'un de nous déranger dans notre tranquillité, tout le monde s'arrête.

Des cris d'effroi sont lancés. Plus de la moitié des passagers présents parmi la foule dans la gare viennent de tomber au sol, inconscients, sans raison apparente. Certains encore debout se précipitent vers les personnes inanimées, et on commence à en entendre certains signaler qu'ils n'ont plus de pouls.

Le peu de défibrillateurs de la gare ne risque pas de pouvoir supporter un tel nombre d'arrêts cardiaques, mais le peu de tentatives de réanimation effectuées, qu'elles soient par un massage cardiaque ou des chocs électriques, échouent totalement.

Je ne sais pas trop quoi faire, alors je prends tout simplement mon téléphone pour appeler les secours, mais je reçois un SMS d'un numéro privé m'indiquant que ce qui m'arrive ne peut pas être évité, et qu'il vaut mieux que je m'en aille pour un moment.

Je ne comprends pas trop, mais je reçois un second SMS m'indiquant une suite de numéros, et un troisième me donnant une commande de connexion SSH utilisant une paire de clés que j'avais générée pour me connecter à mon serveur de blog depuis l'extérieur, avec une adresse en IPv6 que je ne connais pas du tout.

Un dernier SMS finit par m'afficher en clair mon mot de passe le plus courant, ce qui est une méthode que je m'étais imaginé utiliser si je devais un jour m'authentifier auprès de moi-même pour me transmettre un message à travers le temps ou à travers toute sorte de perte de mémoire. Un peu perdu, je décide finalement d'obéir à ce message ; soit il provient de moi, soit il provient de quelqu'un qui a réussi à trouver un mot de passe que je n'ai jamais divulgué à qui que ce soit, donc ça a une certaine importance.

Je fais donc mime de sortir de la gare en courant en téléphonant, comme si j'essayais de rejoindre des secours, et j'ai pu constater que la scène est à peu près la même qu'à l'intérieur de la gare dans les rues du centre-ville : des gens en arrêt cardiaque, et d'autres tentant de leur porter secours en vain.

Bon, vu la situation, les transports en commun sont paralysés, donc ça risque d'être un peu compliqué de trouver un endroit vide où je n'aurai pas de mort à me préoccuper. Tant pis, je me résigne à cesser mon individualisme un peu et à tenter d'aider quelqu'un. Mais avant que je n'agisse, je reçois un appel téléphonique de Valou.

Je décroche, me demandant ce qui a bien pu l'amener à vouloir communiquer avec moi à un moment pareil, surtout vu la rareté de nos communications vocales en ce moment ; et il me crie presque dans l'oreille « On a trouvé le Supercalculateur ! »


Commentaires

Fluffy, 2018-03-20

Bon, maintenant que vous avez un supercalculateur, vous pouvez tenter de jouer à Dwarf Fortress sur une carte immense en multi. Ou bien miner du bitcoin.